J’étais Dora Suarez de Robin Cook.

Hello mes polardeux,
Au printemps dernier nous lancions le Projet Dora

En effet lors de la Gav de Monsieur Sébastien Gendron Aline lancé un défi à notre auteur :
Sébastien Gendron : on est arrivé aujourd’hui dans un terrible moment de stéréotypisation du genre qui semble ne plus finir d’atteindre ses limites. (…) j’aimerais tenter une expérience qui serait de donner à lire aux amateurs du genre « J’étais Dora Suarez » de Robin Cook. Je pense qu’ils trouveraient ça vraiment dégueulasse. Voire choquant.

Miss Aline : Il serait intéressant de mener cette expérience de « Dora Suarez » avec échange entre les lecteurs en cours ou après lecture… article intéressant en perspective !

Seb : Carrément. Et si ça se trouve ma théorie ne tient pas le route et j’ai tout faux… Ça aussi, ce serait bon à savoir.

Ainsi, nous avons proposé à quelques lecteurs et lectrices amateur de lire J’étais Dora Suarez de Robin Cook.

C’est ainsi que :

Aline Gorczak,
Chantal Criscuolo,
Danièle Ortega-Chevalier,
Ellen Ripley,
Frederic Fontes,
Geneviève Van Landuyt,
Nath Lecturesdudimanche,
Seb Gen,
Sophie Collette,
Thierry Gasparik, sans oublier Ludivine Cambell
Ont participer à cette lecture commune


1 : Alors en introduction, les mots de notre auteur :

 

Séb : « Le gout prononcé du public va plutôt vers le thriller qui est devenu ce que le gore fut au film d’horreur : une sorte d’excroissance du toujours plus. Pourquoi pas. Le frisson, ça peut être bonnard. Mais c’est comme le porno. Arrive un moment où, dans la surenchère, on perd tellement le sens qu’on finit par ne plus regarder que de la chair qui pénètre de la chair. Et vous pouvez mettre autant de barbaque que vous voulez, si vous enlevez l’humain derrière, ça reste de la barbaque. De tout ça a surgit un être magique qui dirige aujourd’hui tout un pan de ce genre qu’est devenu le thriller : le tueur en série. Fourre-tout absolu, on n’écrit plus un thriller aujourd’hui sans un serial killer. Ils sont tous plus improbables les uns que les autres, mais à écouter certains lecteurs, c’est pas grave, c’est dégueu, on adore. Là encore pourquoi pas. Mais en fait qu’est-ce qu’on projette sur un tueur en série qui la plupart du temps ne ressemble absolument pas à Francis Heaulme mais plutôt à Anthony Perkins ou Hopkins ? Rien de social en tout cas. Or, le tueur en série, s’il ne dit rien de notre monde qui lui a donné naissance, alors, pour reprendre ma comparaison de tout à l’heure, il ne vaut pas mieux qu’un Rocco Siffredi. Voilà, il a une grosse queue et il sait s’en servir. Ce que ça raconte, on s’en fout, on est pas là pour ça. Donc, le gout prononcé du public pour le polar, je n’en sais trop rien. Pour le thriller, j’ai ma petite idée. »

Le livre : J’étais Dora Suarez : un roman en deuil de Robin Cook. Traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias. Paru en 1990 réédité en 2016 chez Rivages-Noir n° 116. 9€15. (318 p.) ; 11 x 18cm

« … S’il est vrai que parfois j’entre en désespoir (et c’est vrai), c’est le défi du roman noir tel que je le vois. Je peuple mes livres de gens gaspillés qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent descendre la pente sans même une plainte. Mes livres sont pleins de gens qui, sachant qu’ils ont été abandonnés par la société, la quittent d’une façon si honteuse pour elle qu’elle ne fait jamais mention d’eux. Et c’est pourquoi j’étais Dora Suarez n’est pas seulement un roman noir, et qu’il va encore plus loin, pour devenir un roman en deuil. »
Robin Cook

 

 

2 : Prise de contact

Ge : C’est ici que nous allons pouvoir discuter de notre lecture commune.
C’est ici que qu’Aline viendra nous questionner.
C’est ici que vous pourrez nous dire ce que vous avez pensé de J’étais Dora Suarez de Robin Cook.

Alors à bientôt et bon dimanche à vous tous et toutes

Miss Aline : Bonjour à tous/, toutes,
J’espère que tout le monde va bien.
Alors chacun pourrait commencer par donner son avis/ressenti général sur le projet Dora.

Thierry : Bonjour, à ce stade, pour moi cela reste flou mais je suis impatient de commencer

Ge : Où chacun en est dans sa lecture ?

Thierry Gasparik : lecture terminée depuis quelques semaines déjà !

Nath Lecturesdudimanche : Lecture en cours… j’ai un peu de retard, je m’en excuse !

Miss Aline : Aucun soucis… chacun son rythme @Nath 

Frederic Fontes : Bonjour, Je l’ai commencé et j’ai dû reprendre autre chose. Je ne serai pas dans les temps.

Miss Aline : On n’est pas à la seconde @Frederic Fontes. Chacun son rythme.

Thierry Gasparik : Combien sommes-nous à participer au projet ?

Ge : Une petite dizaine, Thierry

Thierry Gasparik : c’est quoi la suite Aline, maintenant ?

Miss Aline : Dans les grandes lignes on va essayer de décortiquer l’aspect noir du livre. Comment il est perçu, y a-t-il une limite à ne pas franchir dans le noir, etc. On va discuter de tout cela ici. Et notre réflexion commune donnera un article publié sur Collectif Polar.

Thierry Gasparik : OK merci pour cette précision

Ge : @Frederic, @Nath pas de soucis comme dit Miss @Aline, pas de stress, ça va aller.
D’ailleurs si vous avez des questions à poser à nos deux organisateurs, c’est le moment….

Frederic Fontes : Je viens de raccrocher le wagon et J’ai repris ma lecture dans le métro

Ge : Yeap

Frederic Fontes : Lu.

Nath : Moi aussi 🙃

Ge : Alors on peut commencer

 

3 : Les ressentis

Miss Aline : @Frederic , @Nath , bonsoir…. Pouvez-vous nous délivrer un premier ressenti global à cette fin de lecture… merci.

Nath : Premier ressenti global : je m’attendais à encore plus sombre…

Sophie Collette : Pas le plus dur que j’ai lu 😄

Frederic Fontes : Déroutant et fascinant à la fois. Comme Nath et Sophie, j’ai lu du Chattam ou du Gilles Caillot bien plus cradingue. Mais ici, si certains passages sont assez hard, je trouve que c’est bien fait. Une manière de nous montrer le monde sans filtres, comme le voit le héros du livre.
Les scènes les plus troublantes pour moi, ce sont celles avec les caleçons sales du tueur, qui font office de trophées, c’est assez dégueulasse !
J’ai trouvé que ça digresse par moment, mais sinon, c’est assez efficace niveau écriture, je viens de me procurer les autres romans de la série.
Par contre, je n’ai rien compris à la scène finale, où on tente de nous expliquer avec les photos ce que le tueur est en train de faire avec le fil de fer et la roue de vélo. Mais bon, peut-être que c’est aussi bien que je ne comprenne pas comment fonctionne sa machine de torture…
Je regrette le fait que les points de vue n’alternent pas temps que ça entre les deux protagonistes. On marche finalement rarement dans les chaussures de sport du tueur.
C’est quand même une enquête assez hallucinante, avec un enquêteur en bout de route, qui fait passer le Andy Sipowicz de la première heure pour un enfant de cœur !
Donc je retiendrai cette histoire de filtres, comme l’objectif du photographe qui mitraille le tueur chez lui. C’est parfaitement à l’image du roman. Pas de filtres, grosses résolutions pour ne perdre aucun détail. Quelques photos floues parfois, qui permettent à l’observateur de s’offrir quelques moments lyriques ou d’introspections. Et le reste de la pellicule qui nous balance à la tronche la triste réalité de cet univers.

Et puis c’est aussi une drôle histoire d’amour…

Ge : Merci Mister Fredo pour ce beau debrief

Thierry Gasparik : Bonjour les amis, désolé de ne pas avoir donné mon avis plus tôt, un peu bousculé par ma chimio!! j’ai lu ce livre il y a quelques semaines déjà, et il ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, trop de longueur à mon gout, coté « dark » j’ai lu bien pire, mais malgré tout je me suis un peu attaché au « flic » et à sa personnalité, une fin un peu bâclée et oui pas tout compris sur la machine de torture du tueur, il me faudra trouver un autre ouvrage de cet auteur pour confirmer ou infirmer mon sentiment, bonne journée à toutes et toutes

Sophie Collette : Je suis d’accord avec toi Thierry, le flic est attachant, j’ai l’impression que c’est un peu une surenchère les scènes pipi caca 💩 lol pour moi cela n’apporte rien, il y avait beaucoup de longueur dans les premières pages

Ge : Intéressant votre point de vue messieurs dames.

Ellen Ripley : Bonsoir tout le monde, désolée pour le retard de ma réponse. Et c’est une réponse que je vais faire en toute neutralité, c’est à dire sans lire les retours de qui que ce soit. J’ai mis beaucoup de temps à lire ce livre. Besoin de digérer sans doute les pages absorbées avec difficulté. Je me suis plusieurs fois posée la question de la complaisance de R. Cook dans ce texte, et puis ensuite celle de son personnage de flic. J’ai eu des moments de grande révolte, j’ai plusieurs fois refusé de m’y remettre. Il y a même eu un moment où je me suis revue en train de m’engueuler avec mon père, qui était un grand fan des films de vengeurs de la fin des années 1970, les Bronson notamment. Je trouvais ça facho à mort, cette vision de la victime comme saint et martyr pour la vengeance de qui il faut tout brûler. Dora m’est donc souvent apparu comme ça et c’est ça qui m’a permis de finir le bouquin dans de bonnes conditions intellectuelles. Comment Cook s’inflige ça, comment son héros/narrateur s’inflige ça et comment nous, lectrices et lecteurs on s’inflige ça. Du coup, la question s’est portée automatiquement sur la grosse production aujourd’hui des thrillers à base de tueurs en série charmant et très sexy, super intelligents, cultivés, etc. Quand on lit Dora, on a tout l’inverse de ça. On a à faire à un dingue qui se mutile, on est dans un truc qui parle de la folie et des laisser pour compte, on a une peinture sociale tant du côté de la police en manque de moyens que de celui des malades en manque d’hôpitaux. Bref, on a un roman noir un vrai qui nous met mal et pas juste un truc qu’on lit avec une main moitié fermée devant les yeux parce que youhou, c’est trop flippant. Je ne peux pas dire que j’ai aimé ce roman parce qu’on ne peut pas dire que ce roman est « aimable ». J’en ai chié et je ne le regrette pas. Ça fait deux mois que je l’ai refermé définitivement, je n’y reviendrai plus, mais au moins, j’y pense encore. J’espère que je n’ai pas été trop longue. Ah ! J’oublie un truc qui m’a fasciné et que je n’avais jamais vu ailleurs : le narrateur qui parle à la première personne, qui est l’enquêteur, qui cherche le tueur et qui passe par sa tête comme s’il en était le double. Ça, ça m’a fasciné. Amicalement. Ellen.

Nath  : Voilà un sacré retour ! Il y a peut-être une question de génération, effectivement, dans ce ressenti, sachant que ce livre date (si je ne me trompe) de 1990. Moi ce qui m’a le plus dérangée est finalement ce super pouvoir de flic qui fait un peu ce qu’il veut. Il m’a profondément énervée car sous ses airs de chevalier vengeur me semblait se cacher un flic à l’ego démesuré qui traite tout le monde comme de la merde. Sinon, point de vue du détraqué ou de la violence, rien qui me choque (après avoir lu « le manufacturier », il devient difficile d’être choqué !) mais j’imagine que ça ne devait pas être le cas au moment de sa sortie ! En soi, j’ai aimé l’intrigue mais j’ai détesté le personnage du flic !

Ge : Voilà qui est intriguant Mesdames….

Ellen Ripley : Merci pour la question de génération, Nath. S’il faut attendre un énième thriller sur les boucheries serbes – même pas étudiées par Koping pour ce qu’elles furent vraiment pendant le conflit et ensuite – pour juger de la violence d’un roman, alors la période actuelle est effectivement à la surenchère. Et la génération contemporaine de ses lecteurs ne serait donc plus que dans cette attente ? Mais je dois avoir atteint un âge où je ne pige plus grand-chose. Quant au flic de Cook, il n’a pas plus de super pouvoir que ceux qui rivalisent avec l’intelligence des serials killer d’aujourd’hui. Ça peut faire débat. Bonne journée. Ellen

Nath  : Quand je disais sacré retour, c’était dans un sens positif (j’ai peur que ça n’ai pas été pris comme tel) et question de génération dans la manière de voir les victimes tant par les cinéastes que les auteurs et effectivement, je constatais aussi que maintenant, les tueurs en série sont plutôt dépeint comme tu le décris avec justesse. Concernant Köping, pour avoir échangé avec lui, il me semblait pourtant qu’il s’était beaucoup renseigné, il a même avoué avoir à plusieurs reprises été obligé de faire un break de quelques jours dans ces recherches afin de sortir un peu de cette horreur historique.
Quand je parle du comportement du flic qui m’a un peu dérangée, c’est sa manière de faire fi du protocole, effectivement, maintenant on croise plutôt des flics entraînés au profilage ou bardé de technologie, d’où encore une question d’époque sans doute où il fallait avoir du bagou et y aller parfois au bluff ou à l’instinct pour obtenir des aveux sans toutes les aides technologiques actuelles…
Après, mon ressenti du flic est tout personnel. Quand je croise des flics un peu en dehors des clous, j’aime bien que leur caractère détestable soit par exemple contrebalancé par une bonne dose d’humour, mais encore une fois, c’est personnel. Désolée si j’ai froissé, ce n’était pas le but, ni non plus d’évaluer le seuil de violence par rapport à une « attente ».

Ge : C’est comme cela que je l’avais aussi compris Nath. La question générationnel,  c’est pas la problème de le lire jeune ou plus vieux non c’est pour la date où le livre a été écrit, pour l’époque qu’il décrit et aussi pour le propos qu’il véhicule. Il a été dit à propos de J’étais Dora Suarez, que c’était le chef-d’œuvre de Robin Cook et surtout que ce livre a profondément marqué le genre. C’est en cela que c’est générationnel !

Comme toi, Nath,  j’ai trouvé le flic un peu borderline, obsédé par ce crime et la traque du meurtrier. Dire qu’il est bourru est un doux euphémisme, il est totalement sec, aride, fermé aux autres je dirais. Un vrai solitaire, cynique,  et désillusionné. C’est surtout un inspecteur sans nom, et pourtant il ressort une part d’humanité voir d’humanisme de lui et ça pour moi ça a été assez déstabilisant. 

Miss Aline : Merci pour vos retours. Il en ressort que l’idée du noir est subjective/ propre à chacun. Que manque-t-il à Dora pour le faire basculer vers le noir ? Selon vous que doit-on trouver comme scènes, protagonistes, etc. dans un véritable roman noir ?

Nath : Je pense qu’il n’y a pas forcément de code, parfois un roman sans la moindre violence explicite est vraiment noir, je pense notamment à « Écorces Vives », très sombre mais uniquement avec des sous-entendus. Ici, on est finalement sur quelque chose de plus classique avec un policier qui pourchasse un monstre.

Thierry Gasparik : Bonjour, je suis d’accord avec toi Nath, souvent trop de scènes violente, nuisent au roman, la suggestion est pour moi à titre perso le chemin vers le noir le plus direct car laissant place à l’imaginaire !

Sophie Collette : Je ne suis pas spécialiste mais pour moi il a le code du roman noir, cela représente bien la société, sa noirceur, ses bas-fonds, le côté désespéré des protagonistes, une ambiance lourde et malsaine…enfin c’est mon avis

Ge : Et tous les avis sont recevables. Et comme le dis Jean-Bernard Pouy dans Une brève histoire du roman noir,( Éditions Jean-Claude Béhar, 2009) , le polar regroupe au moins quatre sous-genres : «le roman à énigme, le roman policier, le roman d’angoisse (ou criminel ou thriller), et le quatrième, souvent transversal, le roman noir» Et pour citer un autre auteur que j’admire  Jean Patrick Machette dans ces Chroniques où il aborde l’histoire, la théorie et la critique du roman noir. «Je décrète que polar ne signifie aucunement  »roman policier ». Polar signifie roman noir violent. Tandis que le roman policier à énigme de l’école anglaise voit le mal dans la nature humaine mauvaise, le polar voit le mal dans l’organisation sociale transitoire. Le polar cause d’un monde déséquilibré, donc labile, appelé donc à tomber et à passer. Le polar est la littérature de la crise»

Pour moi le polar part d’un crime ou d’un délit et ensuite survient le processus de son élucidation. Le roman noir lui n’est pas forcément une enquête, il se sert du prétexte de la transgression de l’ordre pour dévoiler les failles de notre société. Le roman policier lui rétablie l’ordre établi, il y a une espèce de morale, un crime est commis, le coupable est puni. Le roman noir lui ne s’attache pas à retrouver l’ordre établi, non juste il montre le dérèglement de celui-ci !

Pour reprendre Manchette « le bon roman noir est un roman social, un roman de critique sociale, qui prend pour anecdote des histoires de crimes »

Je dirai que le roman noir est l’analyse de la réalité d’une société criminogène. Bon…Non là je vais peut-être un peu loin ! ???

Miss Aline : Qu’est-ce qui vous attire dans la lecture du noir ?

Sophie Collette : Je suis plus fan de thrillers que de roman noir, pour moi le roman noir reste un reflet sombre de notre société, sombre dans les lieux, les personnages, les interactions, on a l’impression qu’il n’y a plus d’espoirs, c’est ma vision du roman noir

Nath  : Dans mon cas, j’aime autant les thrillers que les polars, mais ce que j’apprécie surtout, c’est que souvent y sont abordés des thèmes actuels, sociétaux ou historiques. C’est cet aspect que j’aime le plus. Ça me semble aussi souvent des romans avec des personnages ni blanc ni noir, plus proche de la réalité de l’humain que ne peuvent l’être, à mes yeux bien sûr, les autres romans.

Frederic Fontes : Qu’est-ce qui vous attire dans la lecture du noir ?
C’est l’ingéniosité que va devoir développer le héros, avec un champ d’actions limitées, pour mettre la main sur un alter-ego lui aussi ingénieux à sa manière, qui croit qu’il peut faire ce qu’il veut.
C’est l’importance des détails et des traces, de ce qui est dit et tue, ce qui est visible et invisible.
C’est l’affrontement entre celui qui canalise, et celui qui déchaine.
C’est le lecteur qui prend la place de l’observateur et qui comme lui, s’imprègne des détails de la sombre histoire à laquelle il est confronté.
Ce qui me plait dans le noir, c’est autant l’ombre que ce qui la génère.
C’est la capacité d’un auteur à jouer entre la vérité crue, et la capacité à suggérer. J’avoue que je préfère largement la suggestion, qui est un exercice bien plus difficile.
C’est l’art du romancier à faire ressortir l’humanité de ses personnages face aux scènes sordides auxquelles ils sont confrontés.
Dora nous confronte un peu à ça.

Ge : Je n’aurai pas dit mieux. Merci pour vos réponses. Et voici Ludivine qui nous rejoint.
Vous pouvez aussi exposer votre point de vue par rapport aux réponses déjà apportées par les autres participants. Le tout est de rester cordiaux. Chacun a le droit à son avis propre. Mais c’est dans l’échange que nous aurions le plus de change de comprendre vos points de vue.
Alors m’hésitez pas à reprendre ou à compléter et surtout à participer. Et bienvenue @Ludivine. Et aussi @Chantal si tu as eu le temps de finir le livre, ton avis nous serait aussi très précieux. 🙂

Sophie Collette : Bonjour à tous. C’est un très beau projet qui permet de découvrir un genre littéraire plus spécifique, cela nous permet aussi de donner nos impressions, seul petit bémol à mon niveau, j’aurais dû attendre, j’ai fait un aussitôt reçu aussitôt lu, donc cela date. Lol
Pour moi c’est du roman noir, même si je pense que l’on peut toujours trouver plus noir, mais comme disait un célèbre chanteur Belge🤣😉, noir c’est noir il n’y a plus d’espoir.
Pour avoir un roman noir je pense qu’il faut du pessimisme, de la violence, une vision négative de la société, une ambiance lourde pesante malaisante, bref pas de rayon de soleil à l’horizon.
Je me suis rendu compte que ce n’est pas un genre qui m’attire, je préfère le policier à énigme ou plus psychologique…

Geneviève : Merci Sophie, intéressant ce que tu dis là, le roman noir, le roman du désespoir. Moi j’aurai tendance à dire que noir rime avec miroir. Celui de la société qu’il décrit. Je le ferai aussi rimer avec mémoire, car comme le disait plus haut Nath, il est générationnel et par là marqueur de son temps.

Ludivine Campbell : Bonsoir tout le monde ! 🙂 Désolée pour mon arrivée tardive dans le groupe, je m’étais perdue en chemin. 😁 J’espère que vous allez tous, bien.
Vous avez déjà dit pas mal de choses sur le roman, alors je ne vais pas en rajouter beaucoup plus je crois. Mais dans l’ensemble, je suis d’accord avec Sophie sur le fait qu’il y a une surenchère dans les scènes scato, ce n’est vraiment pas un aspect du roman qui m’a attirée… Et comme Thierry, je n’ai pas tout saisi non plus dans l’explication qui été donnée avec le rayon de vélo/objet de torture dans les dernières scènes. Pourtant j’ai relu le passage pour être sûre de bien saisir mais j’ai trouvé l’explication confuse. Bon, j’ai saisi l’idée, c’est déjà ça hihi !
Après je rejoins Nath, je n’ai vraiment adhéré à l’esprit du flic non plus. Dabs l’ensemble j’ai trouvé les flics très bourrus. Il y avait beaucoup de démonstration de testostérone, ce n’était pas très fin, j’ai trouvé. Bon, pour résumé, je n’ai pas vraiment accroché au roman 😇
Mais malgré tout, je suis contente de participer à ce grand projet, et d’avoir découvert ce roman 🙂
Après dans l’histoire, il y avait des sujets de société qui devait être moins publié à l’époque peut-être et qui en font un sujet intéressant. L’auteur parle de la prostitution et de ce qu’on fait subir aux filles dans les « maisons », du sida, et aussi du fait que la justice passe un peu à l’oubliette cette partie de la société.

Miss Aline : Que doit comporter (ou pas) un roman noir pour toi ?

Ludivine Campbell : Bonne question, j’essaie de trouver la réponse adéquate 🤭
Une enquête, un crime ou plusieurs (sans forcément avoir l’avalanche de glauque), des scènes d’angoisse, et un sujet de société. Un crime ou une enquête qui dénoncerait un problème dans notre société. Je pense que J’étais Dora Suarez répond bien au genre du noir, mais l’écriture n’était pas faite pour moi malheureusement.

Ge : Et toi, chère Chantal, nous ne t’avons pas entendu .

Pourrais-tu même en quelques phrases me dire ce que tu as pensé de « J’étais Dora Suarez de Robin Cook »

Chantal : Oh la la … à ma grande honte, je n’ai pas pu terminer la lecture de ce roman . Je n’ai pas réussi à entrer dans le récit, ça m’a paru déprimant à souhait et je n’étais pas dans la disposition adéquate….

Je suis désolée. Je suis sans doute passée à côté d’un bon roman, mais parfois, impossible de rentrer dans l’histoire. J’ai eu la même réaction avec un roman de Karine Giebel …. De même, j’ai dû m’y reprendre à 2 ou3 fois pour lire « Voyage au bout de la nuit ». Mais j’étais bien plus jeune ! Une fois lu, c’est devenu un de mes titres préférés. Alors, je re-essaierai Dora Suarez, même si c’est trop tard pour toi et pour cette fois et cette lecture commune ! J’espère que tu me pardonnes…

Ge : Chantal, pas de soucis, et ta réponse me va parfaitement, ça fait partie du jeu, parfois un livre, un auteur nous échappe, il n’est pas fait pour nous ou comme tu le dis si bien ce n’est sans doute pas le bon timing, pas le bon moment, pas dans notre humeur du moment. C’est comme cela, il faut savoir l’accepter.

Et puis, Aline si tu le permets, pour clore cette lecture commune j’aimerai vous donner à lire quelques citations qui ont retenues mon attention. 

Miss Aline : Oui, bonne idée, j’avais demandé il me semble de souligner les passages qui vous qui ont pu vous heurter vous blesser ou vous mettre mal à l’aise.

Ge : Alors je vais peut-être te décevoir mais c’est plus des citations qui illustre mon propos :

« – Oui ? fis-je.
La voix annonça, comme si je n’avais jamais été absent :
– Voilà, c’est fait. Vous êtes réintégrez dans la Police. […]
– Rien n’est fait, dis-je. Il y a l’affaire Fox, la commission de discipline, sans oublier tous les dégâts que je peux provoquer quand on essaie de me faire travailler en équipe avec une bande de connards.
-Tout est arrangé ; l’affaire Fox est oubliée parce que je suis à court de personnel.
– Vous faites tout pour me donner le sentiment qu’on tient à me revoir.
– Personne ne tient à vous revoir, précisa la Voix. Mais, moi, j’ai besoin de vous »
« – Vous êtes un type épouvantable, dit Jollo. Ce n’est vraiment pas la délicatesse qui vous étouffe. […]
– C’est parce que je fréquente les morts, Jollo, expliquai-je. Vous devriez faire comme moi, un de ces jours, au lieu de vous déguiser en commissaire et de lécher les culs et des timbres-poste. »
« Travailler à l’A14, c’est voir ce que personne ne voit jamais : la violence, le malheur et le désespoir, la distance incommensurable, dans l’esprit d’un être humain qui ne connait que la souffrance, entre ses rêves et sa mort »
« Dora, je ne sais jusqu’où je vais devoir avancer dans les ténèbres pour te découvrir, mais essaie de m’aider à te rejoindre, aide-moi à te retrouver je t’en prie, ne t’enfuis pas. De toutes tes forces, aide-moi »
« Vous êtes en train de contempler une vision de l’enfer ; ce que vous voyez, c’est la vérité que l’opinion publique, en Grande-Bretagne, refuse de voir imprimée noir sur blanc. »

 

« Son membre lui avait fait faux bon, comme un pneu crevé, la première fois qu’il l’avait mis à l’épreuve à l’âge de quinze ans, à cet instant redoutable, dans la vie d’un jeune homme, où, par son refus obstiné et catégorique de se dresser, une partie de son corps lui avait démontré qu’il n’était pas l’être supérieur que le reste de lui-même croyait être. (…) Cette petite portion toute ratatinée, et pourtant vitale, de son anatomie pendait mollement contre sa cuisse, comme elle l’avait toujours fait depuis, avec une insolence exaspérante et pourtant inévitable, étant donné la situation, comme un vieux poivrot avachi contre un comptoir, lui adressant plus ou moins un clin d’œil narquois, pour le mettre au défi de remédier à la situation. »
« Je voulais préserver le sens de ma dignité, mais c’est la chose la plus difficile à conserver quand on est pauvre. »  (…)  «Elle ne s’était jamais véritablement demandé si la longue et pénible histoire de sa vie avait eu le moindre intérêt, ni même le moindre sens. Mais, en revanche, elle avait toujours supposé qu’elle possédait un certain droit sur son propre corps : celui de le donner ou de le refuser tant qu’il méritait encore qu’on le regarde, et celui de continuer à y vivre après qu’il eut cessé d’être désirable. »
« Interrompu par la vieille, venue voir ce qui se passait dans la pièce d’à côté, alors qu’il n’en avait pas encore terminé avec la fille, le tueur se rua sans un mot sur l’intruse, l’empoigna comme un paquet de linge sale, puis l’expédia à travers le panneau frontal de son horloge à balancier, située à l’entrée de l’appartement, avec, avec une violence dont lui-même ne se savait pas capable. Il vit tout de suite qu’il avait bien travaillé; la vieille mourut sous le choc. Après le vacarme que provoqua son corps en brisant l’horloge – le fracas soudain du bois qui éclate, le bruit de linge mouillé d’un cerveau heurtant le fond d’un crâne – elle poussa un unique soupir, macabre réplique d’un sanglot; et ce son qui franchit ses lèvres, tandis qu’elle mourrait, la tête dans l’horloge, éclipsa tous les autres bruits de la pièce. »
« (…)échos infinis de cet ultime cri interminable pour réclamer une aide qui ne vient pas (…) » 
« Décrochant le téléphone, j’appelai la morgue : […]
– A propos, vous vous appelez comment ?
– Veale.
– Vous m’avez l’air aussi sinistre que le troisième larbin du diable, la nuit où l’enfer a été inventé. Maintenant, remuez-vous sérieusement. Je veux ce rapport, je veux que ça bouge, et je veux tout ça maintenant, tout de suite, immédiatement. […]
– Mais, il n’y a pas le feu tout de même, bêla-t-il. Elles ne risquent pas de s’envoler. Je ne comprends pas ce qu’il y a de si pressé.
– Dieu merci, on ne vous paie pas pour comprendre, dis-je. Mais si vous voulez le savoir, je suis pressé d’avoir ce rapport parce que j’en ai besoin pour coincer le salaud qui a massacré ces deux femmes. Vous ne saviez pas que c’était à ça que servaient les inspecteurs ? »
 « — Tout le haut du crâne éclaté, expliqua Stevenson. Il n’y a plus que la mâchoire inférieure, le reste décore le papier peint, sans supplément de prix. »
« Il n’avait pas la moindre idée de ce que signifiait le terme « culpabilité ». Il se contentait d’obéir à sa propre force, à ses impulsions. »
« Neuf exhibitionnistes sur dix sont inoffensifs, lui avais-je fait. Le dixième est un tueur. »
« Il secoua la tête ; perplexe, il dit à mi-voix : – Il y a des moments où je ne sais vraiment pas comment je fais pour ne pas devenir fou. »

Voilà je m’arrête là, je pourrait vous en mettre encore une bonne vingtaine, mais à quoi bon. Je crois que l’essentiel a été dit.

Merci Messieurs Dames pour toutes vos impression, ce fut pour moi un beau moment d’échange et de partage. Même si je vous l’avoue, tout comme vous, je ne savez pas où nous allions, au départ de cette expérience. Alors oui une grand, grand merci, à vous lecteur mais aussi à Aline et à Sébastien Gendron d’avoir amorcé le débat. 

 

Et en guise de conclusion je laisse la parole à notre auteur. Robin Cook qui disait dans Mémoire Vive :

 » Le but du roman noir, dans ce qu’il y a de mieux, a toujours été de détruire le mal en le décrivant ; c’est une littérature positive et non pas négative, ne serait-ce que parce qu’elle montre tout ce qui dans notre société est négatif. »

« Le roman noir est une vocation, pas une profession. C’est l’aboutissement d’un long noviciat ; dès que vous commencez à en écrire un, vous avez opté pour les ténèbres. Vous vous débarrassez de tout ce dont vous aviez besoin autrefois pour vivre dans la lumière, vous n’en aurez plus usage, puis, dans un étrange état second, l’écriture vous fait descendre un escalier froid et obscur jusqu’à une porte que vous ouvrez et que vous franchissez ; elle se referme derrière vous. »

Voilà pour ce qu’il est ressorti de notre lecture de J’étais Dora Suarez.
Et vous, avez-vous lu ce titre de Robin Cook ?
En avez-vous lu d’autres de cet auteur ?
Et qu’en avez-vous pensé ?
Ce serait intéressant d’avoir vos avis !

14 réflexions sur “J’étais Dora Suarez de Robin Cook.

  1. C’était une lecture particulière quand même, même si comme Nath et d’autres lecteurs, je n’ai pas accroché au récit, je dois reconnaitre que c’était sombre, assez poisseux (et même parfois assez glauque). Je me souviens de beaucoup de passage qui m’ont rebuté même plusieurs mois après. Comme quoi, il a fait son petit effet quand même ! 🤭 Merci pour cette expérience Ge ! 🙂

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